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Mona... lit ça!
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10 octobre 2007

Avec vue sur le royaume de Jean-Pierre Gattégno

Avec_vue_sur_le_royaumeEt si l'Eden c'était ça ? Bof.

SourireSourireSourire


Imaginez : vous êtes assis dans un majestueux supersonique, dont les performances défient toute concurrence. En cabine, votre siège est tout confort, vous pouvez étendre vos jambes à volonté sans gêner vos voisins les plus proches qui se trouvent à bonne distance. Dès qu'une envie se fait sentir, champagne, whisky... Une ravissante hôtesse s'empresse de la satisfaire. On est au petit soin pour vous. Les menus sont invariablement composés de caviar, crabe, langoustines... Le tout arrosé d'un « Dom Pérignon 1959 ». Dans un cadre aux tons pastel, pour éviter toute fatigue oculaire, aux boiseries chaleureuses. En face de vous, un écran géant, hémisphérique, 3-D, d'une définition telle que vous vous croyez dans le film. Sans parler du Dolby ! En bref, une certaine idée du paradis. Ca tombe bien, vous êtes en route pour l'Eternité. Eh oui, cet appareil est comme la barque des temps anciens. Tous les passagers sont décédés et les programmes diffusés sur l'impressionnante toile blanche, ce sont des bouts de leur vie. Nos guides involontaires dans cette étonnante vision de l'au-delà sont Raoul Sévilla, un auteur descendant de juifs saloniciens et Alejandro Waldheim, fils d'un officier nazi, mystérieusement disparu alors qu'il coulait une retraite inquiète en Argentine. Tous deux se trouvent voisins de siège pour une raison qu'ils ignorent mais qu'ils pressentent intimement liée à leur vie. Pourtant, ils ne se sont jamais rencontrés de leur vivant. L'un deux ne joue pas franc-jeu. L'autre ne sait pas comment il est décédé. Entre deux sommeils de mort, ils découvrent des séquences de leur vie, dont ils sont les acteurs ou non, qui peu à peu, lèvent tous les voiles.
Une ambiance à la Werber règne dans ce roman de Jean-Pierre Gattégno qui nous présente ici une mise en scène à la fois drôle et pathétique de l'au-delà. Son récit tisse peu à peu à peu une toile où histoires personnelles et Grande Histoire se mêlent. D'un côté, les juifs rescapés devenus rois de l'autoflagellation, de l'autre, les criminels de guerre nazis en fuite qui rêvent de reconquête. Au centre, leurs descendants qui mélangent les rôles. Quand l'un rêve d'absolution, l'autre rêve de normalité. Leur point commun, un univers de mensonges, ceux qu'ils se font à eux-mêmes, ceux qu'on leur faits.
Jean-Pierre Gattégno fait preuve d'un réel talent de conteur. Au-delà de son intrigue qui captive et de son cadre principal qui amuse et fait frémir à la fois, il régale son lecteur de visites touristiques passionnantes, pimentées par la vision personnelle et très cultivée de son guide principal, Alejandro Waldheim. Le Caire, notamment, vibre sous nos yeux qui en demandent encore. Il aborde des sujets délicats comme la shoah ou le conflit israélo-palestinien sans sombrer dans un manichéisme facile. Il ne se pose pas en juge mais en observateur et laisse ses personnages régler leurs comptes. Gattégno parle aussi de passion amoureuse, de sexe torride, de trahison, de perversité. Son lecteur n'est pas prêt de s'ennuyer.

Actes Sud (21,80 euros)

17 août 2007

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